Méthode de recherche scientifique et le Coran
Dr. Sumeyra TOSUN
Les croyants doivent suivre la méthode de recherche empirique, que ce soit au travail, en cuisinant, en réparant une voiture, en traitant avec des amis, en élevant des enfants, en faisant de l’exercice à la salle de sport, en faisant du shopping, etc. C’est le style de vie que Dieu nous suggère comme étant le meilleur.
Dans cet article
-Beaucoup de mes amis me demandent comment je peux gérer ces deux visions du monde contradictoires (la religion et la science) et si l’une d’entre elles influence négativement l’autre. Je leur réponds qu’au contraire, ma religion nous demande d’être des scientifiques.
-Les étapes du cycle empirique peuvent être clairement retracées dans le Coran. De nombreux versets nous invitent à observer l’univers. Après avoir réuni nos observations et nos données, Dieu nous suggère d’examiner toutes les affirmations et de suivre la meilleure.
-En lisant le Coran pour en savoir plus sur l’adoration et la spiritualité, j’ai réalisé que Dieu demande à tous les croyants d’examiner l’univers, des plus petites aux plus grandes créatures, en appliquant une méthode de recherche empirique systématique.
Je suis un neuroscientifique cognitif qui étudie la cognition humaine à travers l’apprentissage et l’utilisation du langage. En bref, je suis psycholinguiste. Je suis également une personne religieuse qui croit et suit la tradition islamique. Beaucoup de mes amis me demandent comment je peux gérer ces deux visions du monde contradictoires et si l’une d’entre elles influence négativement l’autre. Je leur réponds qu’au contraire, ma religion nous demande d’être des scientifiques et d’examiner l’univers sous toutes ses coutures. Je dirais même que Dieu attend de tous les humains qu’ils soient des scientifiques.
En ce qui concerne les recherches épistémiques et l’acquisition de connaissances, les religions sont supposées ne tenir compte que des révélations sacrées, tandis que la science s’appuie sur des recherches empiriques. Ainsi, les religions et la science ont longtemps été considérées comme contradictoires. Les religieux sont généralement considérés comme des dévots aveugles et sans cervelle qui croient et appliquent tout ce qui leur est dit par révélation divine. D’autre part, les scientifiques sont considérés comme des chercheurs attentifs qui testent et expérimentent leurs connaissances avant de les accepter et de les appliquer.
L’histoire rapporte qu’un grand nombre d’individus religieux ont également été des pionniers dans différents domaines scientifiques. L’objectif principal de cet article n’est pas d’énumérer tous ces noms, mais d’examiner le point de vue de Dieu sur les méthodes de recherche scientifique visant à constituer un corpus de connaissances sur l’univers dans la perspective de l’Islam. Je décrirai les grands principes de la méthode scientifique pour atteindre la connaissance la plus exacte, par rapport aux principes stipulés par Dieu, tels qu’ils sont mentionnés dans divers versets du Coran.
Recherche empirique
Pour les scientifiques, la méthode pour trouver la vraie connaissance est la recherche empirique. Le terme « empirique » provient des médecins grecs de l’Antiquité qui refusaient d’utiliser les doctrines dogmatiques. Ils préféraient se fier à leurs observations et à leurs expériences. Les recherches empiriques en science sont connues comme des méthodes de collecte de connaissances. Elles s’appuient uniquement sur des données observables et testables recueillies par les sens, puis sur des conclusions réfléchies basées sur les données collectées. Dans le même ordre d’idées, l’un des premiers ordres de Dieu dans le Coran est d’éviter les connaissances et les présomptions dogmatiques et non vérifiées, comme le montrent les versets suivants : « …ils disent : « Non, mais nous suivrons les coutumes de nos ancêtres. » – Quoi ! et si leurs ancêtres n’avaient rien raisonné et s’ils n’avaient pas été dans la bonne direction ? » (2 :170) [1]
« Alors qu’ils n’en ont aucune science: ils ne suivent que la conjecture, alors que la conjecture ne sert à rien contre la vérité. » (53:28) [2]
Le Coran insiste également sur l’importance d’acquérir et de rassembler des connaissances :
«Et dis (toujours): « Ô mon Seigneur, accroît mes connaissances! »» (20 :114)
« Dis: « Sont-ils égaux, ceux qui savent et ceux qui ne savent pas ? » Seuls les doués d’intelligence se rappellent. » (39 : 9).
En outre, le Coran ordonne aux croyants de faire usage de leur esprit et de leurs sens pour rassembler des connaissances et parvenir à une conclusion :
« Ils ont des cœurs, mais ne comprennent pas. Ils ont des yeux, mais ne voient pas. Ils ont des oreilles, mais n’entendent pas. Ceux-là sont comme les bestiaux, même plus égarés encore. Tels sont les insouciants. » (7 : 179) [3]
« Les pires des bêtes auprès d’Allah, sont, [en vérité], les sourds-muets qui ne raisonnent pas. » (8 :22)
Plus précisément encore, Dieu nous demande de porter notre attention sur le ciel et la terre (3:190-191, 10:101, 15:16, 30:50, 45:13, 50:6, 88:18, 88:20), les étoiles (37:88), l’alternance du jour et de la nuit (23:80), l’origine de la création (29:20), l’histoire / les récits du passé (3 : 137, 6:11, 16:36, 27:69, 30:9, 30:42, 35:44, 40:21, 47:10), les sources de nourriture/nutrition (80:24), les matériaux de la création (86:5), les nuages gorgés d’eau, les chameaux (88:17), les montagnes (88:19) et les fruits qui mûrissent (6:99) sont quelques-uns des exemples à observer et à examiner. Il nous rappelle fréquemment d’utiliser notre raison et notre esprit (« N’utiliserez-vous donc pas votre raison ? » (28 :60)) [4] et suggère que nous devons présenter des preuves empiriques pour étayer notre hypothèse (« Produisez votre preuve si vous êtes véridiques (et convaincus de ce que vous avancez) ! » (2:111)). Ainsi, la production de connaissances par des recherches empiriques est ce que Dieu suggère ou même ordonne. Dans un deuxième temps, comprenons le cycle empirique.
Le cycle empirique
Le cycle de recherche empirique a été proposé par A. D. de Groot. Ce cycle se compose de cinq phases d’égale importance.
1) Observation: L’observation est la première étape d’une étude scientifique. Lorsque les scientifiques ont une idée de recherche, ils proposent une hypothèse, une supposition éclairée. Au cours de cette étape, des données sont collectées par le biais de l’observation.
2) Induction : Le raisonnement inductif est ensuite appliqué aux données de nombreuses observations pour former une conclusion générale. Cette déclaration générale est utilisée pour résumer une loi générale qui peut expliquer diverses observations.
3) Déduction : Cette étape aide les scientifiques à créer différentes hypothèses liées à la première idée, sur la base de la loi précédemment acceptée. Ces hypothèses supplémentaires sont formulées sur la base de la logique et de la rationalité.
4) Test : Cette étape consiste à revenir, par des méthodes empiriques, aux hypothèses formulées lors de la phase de déduction. Les scientifiques recueillent de nouvelles données et utilisent l’analyse statistique pour vérifier si les nouvelles observations confirment l’hypothèse.
5) Évaluation : Cette étape nécessite une évaluation détaillée des résultats. Les scientifiques doivent présenter leurs données, l’hypothèse étayée et leur conclusion. Ils doivent discuter des limites du processus de test et des autres explications possibles pour les résultats. À ce stade, l’une des règles les plus importantes que tout scientifique doit respecter est la parcimonie, ou le rasoir d’Occam. Cette règle stipule que parmi toutes les explications possibles de la vérité, la plus simple doit être acceptée.
Au fur et à mesure que le cycle se poursuit, les résultats sont reproduits et testés à nouveau à de nombreuses reprises et deviennent des résultats solides ou des faits généralement acceptés. Lorsque la plupart des faits sont découverts, ils établissent des théories qui sont les lois qui expliquent les formations complexes de l’univers.
Les étapes du cycle empirique peuvent être clairement retracées dans le Coran. J’ai déjà abordé les versets qui nous ordonnent d’utiliser nos yeux et d’observer l’univers dans la section précédente. Après avoir rassemblé nos observations et nos données, Dieu nous propose d’examiner toutes les déclarations et de suivre la meilleure : « Ceux qui prêtent l’oreille à la Parole, puis suivent ce qu’elle contient de meilleur,ceux-là sont ceux qu’Allah a guidés et ceux qui sont doués d’intelligence! » (39 :18). Ce verset suggère que nous utilisions le raisonnement inductif en examinant toutes les explications possibles et en induisant la meilleure explication.
À partir de la meilleure explication, nous devons déduire des hypothèses individuelles à l’aide d’une pensée logique et rationnelle. Comme mentionné ci-dessus (voir également la note de bas de page 4), le Coran nous demande fréquemment d’utiliser notre raison et notre esprit (« N’utiliserez-vous donc pas votre raison ? » (28 :60)) pour appliquer le raisonnement déductif.
L’étape suivante est la vérification des hypothèses. Le Coran nous fournit un excellent exemple de la manière dont fonctionne la vérification des hypothèses dans les versets concernant Joseph et la femme (la femme du maître) :
« Or celle qui l’avait reçu dans sa maison essaya de le séduire. Et elle ferma bien les portes et dit: « Viens, (je suis prête pour toi!) » -Il dit: « Que Dieu me protège! C’est mon maître (ton mari) qui m’a accordé un bon asile. Vraiment les injustes ne réussissent pas. » » (12 :23)
« Et tous deux coururent vers la porte, et elle lui déchira sa chemise par derrière, et ils rencontrèrent son maître (mari) à la porte. Elle dit: « Quelle serait la punition de quiconque a voulu faire du mal à ta famille, sinon la prison, ou un châtiment douloureux? »
« Il (Joseph) dit: « C’est elle qui a voulu me séduire. » Et un témoin, de la famille de celle-ci témoigna: « Si sa chemise est déchirée par devant, alors c’est elle qui dit la vérité, tandis qu’il est du nombre des menteurs. Mais si sa chemise est déchirée par derrière, alors c’est elle qui mentit, tandis qu’il est du nombre des véridiques. »
« Puis, quand il (le mari) vit la chemise déchirée par derrière, il (se tourna vers sa femme et) dit : « C’est bien de votre ruse de femmes ! Vos ruses sont vraiment énormes! » » (12 : 25-28).
En résumé, la partie 1 (la femme) accuse la partie 2 (Joseph) de lui vouloir du mal, et la partie 2 le nie. Cette histoire suggère que nous déduisions une hypothèse logique, raisonnable et vérifiable pour arriver à une conclusion. Cette hypothèse est du type « si A est X alors B est Y », qui utilise l’observable pour décider de l’inobservable. Il est très important de noter ici que le témoin expert a énoncé les deux hypothèses comme règle de décision et critère de jugement, avant d’avoir vu la chemise ; la conclusion sera donc objective.
La dernière étape du cycle est l’évaluation – ordonnée dans le Coran comme une auto-évaluation: « Lis ton écrit. Aujourd’hui, tu te suffis d’être ton propre comptable. » (17 :14). En tant que scientifique, nous devons évaluer nos résultats, nous critiquer nous-mêmes et déclarer nos limites au cours de la recherche (« Et ne cachez pas ce dont vous avez été témoins » (2:283)). Dans ce processus d’évaluation, par souci de parcimonie, si les résultats permettent plus d’une explication, nous devons choisir la plus simple, comme l’a également déclaré Dieu : « Dieu ne veut pas vous imposer quelque gêne, mais Il veut vous purifier » (5:6) ; et « Dieu veut pour vous la facilité, et il ne veut pas pour vous l’épreuve » (2:185).
Une fois que nous avons recueilli des connaissances, avant et/ou après les avoir annoncées (publiées), nous devons reproduire les résultats. Nous devons nous assurer que la même situation, dans le même environnement, donne toujours les mêmes résultats. Dieu nous avertit également de vérifier la vérité avant d’accorder foi à toute information: « Si un pervers vous apporte une nouvelle (qui nécessite une action), vérifiez-la soigneusement (avant de la croire et d’agir en conséquence) » (49:6) ; « Ne suivez pas ce dont vous n’avez pas connaissance (que ce soit en bien ou en mal), et abstenez-vous d’affirmations et d’hypothèses sans fondement. L’ouïe, la vue et le cœur: sur tout cela, en vérité, on sera interrogé. » (17:36).
Lorsque nos résultats s’avèrent solides et largement acceptés, nous utilisons à nouveau le raisonnement inductif pour trouver des explications plus larges à des résultats tels que les nôtres. Ce processus est celui de l’élaboration de théories qui nous conduit souvent à découvrir les lois de l’univers. C’est le but ultime de tous les scientifiques et de tous les individus qui suivent l’ordre de Dieu : « Nous avons créé toute chose avec mesure » (54:49) ; « Celui qui crée toute chose en lui donnant ses justes proportions. (25:2) » ; et « …celui qui crée [toute chose], puis la forme conformément à ce qu’elle doit être, et qui détermine la nature [de tout ce qui existe], puis la guide [vers son accomplissement] » (87:2-3).
L’éthique dans les recherches empiriques
En tant que psycholinguiste qui mène des expériences sur des êtres humains, les procédures éthiques sont tout aussi importantes, car elles garantissent le respect des règles et des règlements du cycle empirique. L’histoire de la recherche psychologique est pleine d’exemples de violations des principes éthiques et des droits des sujets. C’est ainsi qu’en 1979, le rapport Belmont a été publié pour réglementer les droits des sujets humains. Il définit les trois principes éthiques qui guident aujourd’hui les études sur les sujets humains aux États-Unis.
1) Le respect des personnes: « Le respect des personnes englobe au moins deux convictions éthiques: premièrement, les individus doivent être traités comme des acteurs autonomes et, deuxièmement, les personnes dont l’autonomie est réduite ont droit à une protection. »
2) La bienfaisance: « Deux règles générales ont été formulées comme expressions complémentaires des actions bienfaisantes dans ce sens: (1) ne pas nuire et (2) maximiser les avantages possibles et minimiser les inconvénients possibles. »
3) La justice: « Il y a injustice lorsqu’un avantage auquel une personne a droit lui est refusé sans raison valable ou lorsqu’une charge lui est imposée indûment… »
Dieu nous a ordonné de suivre ces principes éthiques il y a des siècles:
1) Le respect des personnes: « Certes, Nous avons honoré les fils d’Adam. » (17:70)
2) La bienfaisance: « Et ne vous jetez pas par vos propres mains dans la destruction. Et faites le bien. Car Allah aime les bienfaisants. » (2:195)
3) La justice : « Le reproche est sur ceux qui sont injustes envers les gens, et qui agissent injustement sur terre, sans aucun droit. Ceux-là auront un châtiment douloureux. » (42:42)
Conclusion
En lisant le Coran pour en savoir plus sur l’adoration et la spiritualité, j’ai également réalisé que Dieu demande à tous les croyants de devenir des scientifiques et d’examiner l’univers, de la plus petite à la plus grande des créatures, en appliquant une méthode de recherche empirique systématique. Il n’y a donc rien de contradictoire entre la science et la religion. En disant cela, je ne veux pas dire que chaque croyant devrait être dans un laboratoire et faire des expériences sur la physique, la chimie, la génétique ou la psychologie. Au contraire, les croyants devraient suivre la méthode de recherche empirique, que ce soit au travail, en cuisinant, en réparant une voiture, en traitant avec des amis, en élevant des enfants, en faisant de l’exercice à la salle de sport, en faisant des courses, et ainsi de suite. C’est le style de vie que Dieu nous propose comme étant le meilleur.
Notes
- All cited Qur’an verses are taken from the Qur’an by Ali Unal.
- For similar verses: 10: 78, 43: 22-23, 7:28, 6:116, 6:148, 10:36, 10:66, 45:24
- For similar verses: 25:44
- The verses that suggest using one’s reason: 2:164, 2:242, 3:118, 5:58, 6:83, 6:151, 7:169, 8:22, 10:42, 10:100, 21:67, 28:60, 29:35, 30:24, 30:28, 36:62, 37:138, 40:67, 49:4
Figure 1. This figure depicts the empirical research cycle by de Groot.
