Laurie Buchanan
Commencer ma propre carrière universitaire à peine 13 mois après mon unique frangine était une tâche ardue. Il faut dire que depuis l’école primaire, c’était une élève brillante ; apparemment elle absorbait, digérait et comprenait l’information par osmose. Ma sœur n’a eu que des A tout au long de son cursus et elle a obtenu une bourse d’études supérieures. Moi, en revanche, j’ai eu du mal à maintenir une moyenne de C et j’ai quitté le nid parental à l’âge de quinze ans.
Faisons une petite pause et rembobinons…
Je pensais que j’étais stupide. Comparée à ma sœur, j’avais l’air moins intelligente. Cependant, ce n’est que des années plus tard que j’ai découvert que mon mode d’apprentissage différait de la manière dont m’avait enseigné les choses.
Il existe trois profils d’apprentissage reconnus :
– les auditifs apprennent en écoutant. Le pire test pour eux c’est de lire des passages et d’écrire des réponses. En revanche, personne n’est capable de rédiger des réponses de conférences mieux qu’eux. Ils sont également très bons aux épreuves orales ;
– les visuels comprennent les choses en les voyant. La pire épreuve pour eux c’est d’écouter et de répondre aux questions. Ils sont doués pour créer des diagrammes, lire des cartes, écrire des essais (s’il y a un résumé de texte), ou bien montrer un processus ;
– les tactiles (ou kinesthésiques) comprennent par l’expérience/l’action. Les longs tests et les essais sont leur véritable cauchemar. Par contre, ils s’en sortent bien lors des tests à choix multiples. Ce sont également les génies des définitions courtes et des fiches techniques.
À l’époque où j’allais à l’école, les enseignants pratiquaient une méthode d’apprentissage de type auditif. Étant une élève fortement tactile — et passablement visuelle, pour faire bonne mesure — je ratais le coche !
Faisons maintenant avance rapide.
N’ayant rien calculé avant de m’enfuir, je ne savais pas que si on quittait le lycée avant d’avoir obtenu un diplôme, il fallait attendre deux ans avant de pouvoir passer l’examen pour l’obtention du diplôme d’enseignement général[2] !
En attendant mon heure, je suis allée travailler dans une grande surface. Au cours des années suivantes, j’ai gravi les échelons jusqu’à devenir responsable du rayon prêt-à-porter femme, ce à quoi on m’a ajouté le rayon des vêtements pour homme, avant de couronner le tout avec les rayons articles ménagers et meubles.
J’ai acquis une expérience de vie précieuse au cours de cette période. Cette sagesse pratique consistait en partie à apprendre à dire : « Je ne comprends pas. Pouvez-vous, s’il vous plaît, vous expliquer autrement ? » Et c’est là que j’ai remarqué que peu importe le nombre de fois qu’on me l’a « dit », ce n’est que lorsqu’on m’a « montré » que j’avais compris. Une fois que les choses m’avaient été montrées, je répondais au-delà de toute attente.
J’ai quitté le lycée en deuxième année en 1973. Pendant quatre longues années, je me suis préparée pour passer l’examen du diplôme d’enseignement général. Par une chaude journée de la fin juin 1977, tandis que l’air estival embaumait l’herbe coupée, je me suis glissée dans un siège au premier rang du centre d’examen, parmi une vingtaine de personnes enfermées dans une salle stérile.
L’examen, qui a duré une journée, se composait de sept parties : Arts du langage (rédaction), Arts du langage (lecture), Sciences humaines, Sciences, Mathématiques (calculatrice autorisée), Mathématiques (calculatrice non autorisée) et Constitution des États-Unis.
Quelques heures plus tard, la tête haute et arborant un large sourire, j’ai quitté l’établissement avec la certitude d’avoir réussi l’examen. Six semaines plus tard, j’ai reçu mon diplôme, et ce n’était que le début. Au fil du temps, j’ai obtenu mon diplôme d’associé, puis mon bac, suivi d’un master. Enfin, deux semaines avant mon cinquantième anniversaire, j’ai soutenu ma thèse de doctorat.
Ferme et tenace comme un terrier, quand je me concentre sur un sujet, je l’étudie avec une détermination incroyable. Cela a pris du temps, mais j’ai finalement passé du lycée au doctorat. Et si j’en ai Ph.ini avec le Doctorat et les études de brique et de mortier, je ne cesserai jamais d’apprendre.
[1] Le titre original, Ph.inished—how i went from GED to Ph.D, contient un jeu de mots — difficilement transposable — sur l’abréviation Ph.D (pour philosophiæ doctor) qui désigne dans les pays anglo-saxons le diplôme sanctionnant le troisième cycle universitaire ou doctorat (NdT).
[2] Sans être un baccalauréat (bachelor degree), le General Educational Diploma (GED) est un diplôme qui, aux États-Unis et au Canada, sanctionne des compétences générales de niveau secondaire (NdT).