Une Revue du Parlement des Religions du Monde en 2023
Halime Benzer
En déambulant à travers cet espace de programme vaste, on pouvait croiser la voix d’une personnalité éminente représentant un groupe religieux ou spirituel spécifique.
L’existence florissante de relations sociales pacifiques débute par la graine du dialogue. Plutôt que de catégoriser les êtres humains en fonction d’étiquettes religieuses spécifiques ou d’origines de croyance, il convient de nourrir l’aspiration à la beauté qui réside dans une authentique compréhension des actions et dans la force qui découle des canaux de conversations interreligieuses. Peut-être que de telles connexions se tissent lorsque des individus pratiquant leur religion se voient offrir une tribune, tout en participant activement aux efforts déployés pour créer des espaces où l’on les écoute de manière volontaire, plutôt que de simplement les entendre.
Cet élément distinctif met en lumière la manière dont le Parlement des Religions du Monde éclaire des aspects essentiels de l’humanité et de la construction de la paix en instaurant des conversations empreintes d’empathie qui, en premier lieu, captent l’attention du cœur de l’individu pour mieux se focaliser sur la recherche de la paix, du progrès et de la justice, lorsque l’espoir semble s’éloigner. Dans la ville historique de Chicago, où s’est tenue la première assemblée officielle du Parlement en 1893, dans le but d’instaurer un dialogue harmonieux entre les religions d’orient et d’occident, un événement réjouissant s’est répété cette année : la réunion du Parlement en 2023 a rassemblé des milliers de participants venus de plus de 95 pays, au Lakeside Center, du 14 au 18 août [1]. À travers les décennies écoulées, les trois dernières ayant vu la tenue de nombreuses réunions du Parlement axées sur des thèmes variés visant à représenter les questions cruciales auxquelles font face différents groupes culturels, religieux et individus. Le thème de cette année s’est focalisé surun Appel à la Conscience : Défendre la Liberté et les Droits de l’Homme, attirant l’attention sur la lutte de l’humanité contre des dirigeants despotiques et des régimes autoritaires. Ce thème incarne la nécessité de préserver les valeurs démocratiques au sein d’espaces sacrés, grâce à un dialogue interreligieux pacifique, qui peut servir de remède contre la violation des droits.
En déambulant à travers cet espace de programme vaste, on pouvait croiser la voix d’une personnalité éminente représentant un groupe religieux ou spirituel spécifique. Dans l’atmosphère, flottait la quête de conversations capables de susciter un sentiment de compréhension, non pas par le biais de longs discours, mais simplement par quelques mots. La conférence était structurée en différents espaces où les participants pouvaient explorer divers aspects du programme : des stands d’exposition permettant à différentes organisations d’entrer en contact avec les participants, un grand amphithéâtre pour les discours, ainsi que des salles de session offrant un éclairage sur des sujets spécifiques, s’inscrivant tous sous le thème général d’encouragement à l’action en période d’injustice et de gouvernements antidémocratiques menaçant la pérennité des sociétés pacifiques.
Dans le contexte de l’interaction croissante sur la scène internationale, le vaste choix de sessions parallèles à suivre proposait des perspectives pertinentes et fructueuses pour promouvoir les voix issues de toutes les sphères des conversations religieuses et spirituelles. À titre d’exemple, nous pouvons évoquer la session portant sur la Création d’espaces Sacrés Inclusifs : Dialogue Interreligieux, Contemplation et Action, au sein de laquelle la discussion gravitait autour de la manière dont les caractéristiques des espaces déterminent notre capacité à établir des connexions avec autrui de manière bienveillante, sans encourager de sentiments d’exclusion pouvant parfois découler de croyances et traditions divergentes. Cette session mettait l’accent sur la recherche d’un terrain d’entente et la quête de canaux de collaboration susceptibles de renforcer les liens pacifiques entre les individus avec lesquels nous partageons notre existence dans cet univers. Tessa Bielecki, une écrivaine qui fut autrefois moniale carmélite, a évoqué la beauté de voir autrui lorsque l’on prend en compte les caractéristiques définissant les espaces sacrés. En faisant référence à une expression afghane, « En te voyant, je suis très heureux », elle soulignait l’importance que notre « espace sacré intérieur » soit un foyer de bonté et de paix, de sorte que lorsque nous interagissons avec les autres, nos intentions se traduisent par des actions empreintes d’humilité. En parallèle à la manière dont cette session mettait en avant la valeur de l’unanimité et de la paix, la conception du dialogue de Fethullah Gülen se caractérise par l’action d’embrasser la beauté et la nécessité d’unir les liens dans une démarche humanitaire altruiste, s’exprimant à travers des actes de tolérance, « d’amour, de compassion, de pardon et d’humilité », ainsi que l’a décrit le Dr. Heon Kim dans son article sur l’approche soufie dialogique de Gülen [2].
Lorsqu’une session se terminait, une autre débutait immédiatement. Les couloirs du centre de convention débordaient de visages nouveaux et familiers au fil des transitions, créant une atmosphère apaisante au sein d’une foule diversifiée et empreinte d’amour. Au centre du deuxième étage, se dressait une scène de taille moyenne, entourée de fauteuils poires confortables pour les participants désireux de faire une courte sieste. Si vous preniez place à proximité de la scène, vous aviez la chance d’écouter quiconque souhaitait partager un moment spécial, que ce fût un appel à la prière ou un verset sacré d’un texte religieux. Assister à des discussions sincères et observer l’accueil chaleureux réservé aux participants dans cet espace m’a rappelé la vision du Dr. King d’une Communauté Bien-Aimée, une communauté ouverte à tous et veillant à prendre soin de chaque individu. Dans des environnements tels que le Parlement, cette perspective éclairante fait naître l’espoir que la vision du Dr. King puisse peut-être être réalisée, à condition que tous les aspects des systèmes cruciaux de notre société convergent vers un objectif commun : le respect de la dignité humaine [3].
Dans notre quête pour comprendre les éléments de qualité d’une Communauté Bien-Aimée, nous avons dirigé notre attention vers la reconnaissance des traits distinctifs des leaders qui ont servi de modèles pour guider leurs communautés avec détermination et résilience en période de crise. La session intitulée « Accueillir l’Autre en des Temps Inhospitaliers : Exemples de Pionniers Interreligieux »a offert une plateforme aux intervenants pour partager des histoires précieuses mettant en lumière des leaders et des mentors importants, qui ont été sources d’espoir et de conseils tout au long de leur vie. Le révérend Donald Rooney, président de l’Association catholique des responsables œcuméniques et interreligieux diocésains, a souligné l’importance de la prière mutuelle et de la sollicitude envers nos sœurs et frères au sein de notre « grande famille humaine ». Au fil des époques, nos perspectives sur la manière d’aborder les sujets de manière créative ont évolué, et il est devenu essentiel de revisiter ce qui contribue à forger les caractères de cette « grande famille humaine ». Pour ce faire, un regard introspectif attentif s’impose pour comprendre comment chaque instant de la vie porte en lui une leçon du passé, que nos mentors ont traversé, en particulier en temps de difficulté. Le rabbin Morris Zimbalist de la Congrégation Beth Judea a mis en lumière l’importance de cultiver l’empathie au sein des moments cruciaux pour enseigner l’amour, ce qui guide nos approches pour surmonter des situations inhospitalières et nous permet de devenir des pionniers dans les relations interreligieuses. Le rabbin Zimbalist a rendu hommage au travail de Rabbi Meshullam Zelman Schachter-Shalomi, plus communément appelé Reb Zalman, dans le domaine du dialogue interreligieux. Les mots de Reb Zalman résonnent : « En tant que croyants, nous avons tous l’opportunité et l’obligation morale de reconnaître notre terrain spirituel commun, de transcender nos différences, de lutter contre les préjugés et l’intolérance. »
La prochaine session en vedette portant sur Les Femmes et Les Conflits Politiques en Turquie, Le Traumatisme et Les Stratégies Spirituelles d’Adaptation a pris en compte les violations des droits de l’homme en Turquie qui ont profondément bouleversé la vie des participants du mouvement Hizmet ainsi que d’autres critiques du gouvernement. Le panel a offert un aperçu des vies qui ont été dévastées par les actions du gouvernement, tout en présentant également des moyens de sensibiliser et de plaider en faveur des droits de ceux qui ont été injustement condamnés. La conférencière Vonya Womack, directrice exécutive de Refugees Unknown-Stories Untold (RUSU), a appelé de manière émouvante les membres de l’auditoire à l’action : « … en tant que leaders interreligieux, notre compassion ne connaît pas de limites, transcendant les frontières de la doctrine ou du dogme. Nous sommes témoins de l’expérience humaine partagée. Face aux violations des droits de l’homme et aux échos troublants du traumatisme qui suivent ces violations, nos cœurs ne doivent reconnaître aucune division. »
Pour établir la solidarité, il est essentiel de créer des liens empathiques en vue de transformer des vies grâce à la patience et au plaidoyer, comme l’a souligné le Dr. Sophia Pandya, présidente du département des études religieuses de la California State University à Long Beach, lorsqu’elle a mis en avant l’acte de « dertlenmek » – c’est-à-dire, partager la souffrance de l’autre comme si c’était votre propre situation, comme le suggère Fethullah Gülen lors de la construction de ponts d’empathie. Un aspect crucial de la patience réside dans notre capacité à nous mettre à la place d’une autre personne, dans notre capacité à manifester notre solidarité et dans notre ouverture à reconstruire notre caractère pour ressentir plus profondément les luttes de nos frères et sœurs du monde entier.
Au fil de la journée, la quête de bonne nourriture a commencé. Bien que l’arrêt aux mini stands éphémères proposant diverses options soit une bonne option, mon intérêt a été piqué par le Guru Ka Langar servi par nos amis sikhs à l’extérieur du bâtiment principal. La beauté du Langar, qui se traduit par « cuisine ouverte », réside dans la vague instantanée d’hospitalité que l’on ressent en étant accueilli à la porte par d’autres membres de la communauté sikhe qui veillent à ce que l’on se sente comme chez soi. L’acte de partage est au cœur du Langar, avec des caractéristiques importantes telles que « nishkam sewa » (service désintéressé) et « daya » (compassion) faisant partie de l’atmosphère hospitalière de l’espace [4]. Le Langar permet aux membres de la communauté de servir leurs invités de manière désintéressée à travers des actions humbles, nous ramenant à l’importance du soufisme dialogique. L’acte de sewa rappelle comment le dialogue peut être transmis par les mots prononcés, ainsi que la gentillesse ressentie entre les gestes et les actions échangés les uns envers les autres.
La réunion du Parlement revêt une importance cruciale pour la présente génération, ainsi que pour la suivante, car elle vise à créer des espaces inclusifs pour les membres de toutes croyances et pratiques spirituelles. L’inclusivité favorise l’émergence de perspectives diversifiées et intégrées, alimentées par le partage des connaissances et la découverte de points communs. Il est essentiel de rechercher la connaissance et de rafraîchir son esprit en interagissant avec d’autres frères et sœurs, comme le rappelle Bediuzzaman Said Nursi, un érudit islamique du 20e siècle et auteur des « Risale-i Nur » (« Épîtres de la Lumière »), dans son ouvrage Al-Mathnawi Al-Nuri (Le Berceau de la Lumière) : « La connaissance dénuée de la vision du cœur est ignorance » [5].
Il arrive souvent que nous oubliions que l’appel à la conscience débute par nos intentions, lesquelles devraient s’efforcer de s’initier à divers domaines du savoir. Cette prise de conscience peut parfois émerger à la faveur d’une simple conversation ou à la vue d’un groupe de danseurs se préparant en vue de leur prochaine représentation. Lorsque nous avons eu le privilège de rencontrer fortuitement l’équipe de danse humble de l’Académie de Tai Ji Men Qigong au Parlement, notre mode de communication a été établi grâce à un ami parlant couramment le chinois. Monica Wang, une représentante de l’académie, a souligné qu’ils participaient au programme dans le but « d’exprimer l’amour et la paix qui émanent de nous-mêmes, et d’interagir avec davantage de personnes. » Le badge qu’elle a remis à nos membres d’équipe est un souvenir que nous chérirons pendant de nombreuses années, tout en rappelant à l’humanité de toujours conserver un cœur ouvert envers ceux dont les chemins croisent les nôtres, car notre parcours transcende toutes les limites et frontières grâce au pouvoir de l’humilité et du respect qui découle du service désintéressé envers l’humanité.
Notes :
- Parliament of the Worlds Religions. (n.d.). 2023 Chicago. Parliament of the Worlds Religions. https://parliamentofreligions.org/parliament/2023-chicago-2/
- Kim, H. C. (n.d.). Fethullah Gülen’s Dialogic Sufism: A theological framework. Gulen Movement. https://www.gulenmovement.com/fethullah-gulens-dialogic-sufism-a-theological-framework.html
- Tatter, G. (2019, Janvier 18). Achieving King’s Beloved Community. Harvard Graduate School of Education. https://www.gse.harvard.edu/ideas/news/19/01/achieving-kings-beloved-community
- Guru Ka Langar: The Sikh ethos of Sharing Hospitality – Parliament of the world’s religions. Parliament of the Worlds Religions. (2019, Septembre 17). https://parliamentofreligions.org/articles/guru-ka-langar-the-sikh-ethos-of-sharing-hospitality/
- Nursi, S. (2007). Al-Mathnawi al-Nuri: Seedbed of the light. The Light.
