Une intention qui est suivie d’un passage à l’acte approprié peut nous sauver. Une intention qui ne résulte en aucune détermination à la mettre en œuvre ne le peut pas. Avoir une intention signifie avoir un but et un objectif. C’est également un état d’esprit et un engagement. Avoir une intention claire signifie savoir exactement ce que l’on veut et connaître le chemin à suivre, acquérir l’état d’esprit qu’il faut pour cela, puis chercher les moyens nécessaires pour atteindre le but qu’on s’est donné.
L’intention est la source de toute action. Quelle soit faite consciemment ou non, l’intention donne à une personne le droit de revendiquer la responsabilité pour des actions données. Elle est aussi la terre ferme de la volonté et le pouvoir de produire des résultats donnés. Tout ce qui se rapporte à l’humanité et au monde, dans son commencement ainsi que dans sa continuation, dépend de l’intention de l’individu.
Tout vient d’abord à l’esprit en tant qu’idée, et selon que l’on projette ou non de mettre en œuvre cette idée, elle pourra plus tard devenir une réalité grâce à la persévérance. Un projet ne pourra pas produire de fruit utile si l’idée initiale n’est pas transformée en intention. Sans persévérance, définie en tant qu’intention soutenue par la détermination et la résolution, aucun projet ne peut aboutir.
L’intention a un rôle décisif en ce qui concerne les bonnes et les mauvaises actions. L’intention peut, selon sa nature, agir comme un remède pour n’importe quelle maladie ou inconvénient, ou comme une calamité silencieuse détruit toutes les réussites en un clin d’œil. Même les actions les plus insignifiantes, dès lors qu’elles ont pour source une intention noble et profonde, peuvent produire des résultats à la portée inattendu. Pareillement, une action minime mais qui a pour base une intention corrompue peut s’avérer extrêmement nuisible.
Toutes les actions entreprises avec l’intention de servir Dieu, comme prier ou s’abstenir temporairement de quelques plaisirs licites, augmentent nos récompenses et nous élèvent à un plus haut niveau spirituel. Naturellement, le contraire est aussi vrai. Nous satisfaisons Dieu en effectuant ou abandonnant certaines actions selon Sa Loi, et atteignons ainsi la meilleure stature.
Il peut arriver cependant que nous reproduisons exactement la même chose sans que cela puisse avoir une quelconque valeur pour Dieu, car nous le faisons avec une mauvaise intention. Nous savons par exemple que le statut de martyre est l’un des plus élevés en islam. Ceux qui y aspirent mais qui combattent seulement pour satisfaire leurs propres caprices et désirs ne sont pas considérés martyrs, et ne reçoivent donc pas cette récompense. D’autre part, ceux qui sollicitent systématiquement et sincèrement le martyre sont considérés martyrs même s’ils meurent dans leur lit, car ils avaient sincèrement l’intention de défendre l’islam et d’offrir un meilleur avenir aux musulmans. Ceux-ci ont le droit d’espérer la récompense du martyre et du Paradis.
L’intention est une clef qui ouvre la porte de l’infini. Si elle est utilisée correctement, elle ouvre la porte du bonheur éternel, car la récompense de tous les devoirs accomplis correctement et sincèrement n’est pas déterminée par le temps qu’ils prennent, mais par la mesure dans laquelle ils engagent et affectent notre vie. Si cette clef n’est pas employée à bon escient, elle mène à la misère et au malheur éternel.
N’importe quel soldat prêt pour le service, même s’il ne participera peut-être pas au combat, a droit d’espérer à la même récompense que ceux qui combattent réellement. Une sentinelle attendant son tour pour monter la garde a autant de droit à la récompense que celui qui monte vraiment la garde. La récompense de celui qui monte la garde dans le sentier de Dieu est équivalente à celle de celui qui passe des mois en prière.
Ainsi, un croyant peut atteindre le paradis après une courte vie, alors que le contraire est également la difficulté éternelle. Autrement, selon la justice apparente, les gens devraient être récompensés en fonction de la quantité de leurs bonnes et mauvaises actions. Cela signifierait qu’ils resteraient au Paradis aussi longtemps qu’ils avaient vécu vertueusement, et en Enfer aussi longtemps qu’ils avaient vécu dans le vice. Mais puisque l’éternité est la fin ultime des bons et des mauvais, le bonheur ou la punition éternels résident dans l’intention. Une intention de vivre dans la foi et la vertu pour toujours aura comme conséquence le bonheur éternel, tout comme l’intention de vivre dans la dénégation, le rejet et la corruption pour toujours aura comme conséquence le malheur éternel.
Si les serviteurs conscients et dévoués de Dieu se voyaient accorder mille années supplémentaires au moment de quitter ce monde, ils continueraient à mener une vie d’une aussi grande qualité. Grâce à cette intention sincère, ils seront accueillis et récompensés en conséquence car les intentions des croyants sont plus méritoires que leurs actions.[1] La même chose vaut pour les incroyants qui continueraient à mener leurs mauvaises vies si on leur accordait cette prolongation. Ainsi chacun est récompensé ou punis selon son intention. L’intention d’acquérir la foi véritable et de la préserver aboutit à la félicité éternelle ; le contraire aboutit au tourment éternel.
Quant à Satan, il payera très cher pour avoir encouragé et consolidé l’incroyance. Le diable, avec ses tentations, a des effets indéniables sur les gens. Or ces projets malveillants peuvent produire un effet paradoxal : ils poussent certains croyants à développer leurs facultés intérieures ce qui les amène à découvrir et affiner des vertus insoupçonnées en plus de les rendre plus vigilants.
Satan attaque les individus et les peuples. En semant des graines vénéneuses dans nos cœurs, il cherche à nous emprisonner dans le vice et le mal. Nos facultés spirituelles nous avertissent de ses tentations et de sa perversion, et nous appellent à lutter contre lui, tout comme certaines cellules de notre corps sonnent l’alarme et luttent contre les infections.
De même que la résistance aux maladies améliore l’immunité du corps, de même notre état spirituel est renforcé en cherchant refuge dans le Tout-Puissant. Nous avons donc beaucoup plus de bien que de mal à gagner des attaques de Satan. Toute épreuve de l’âme augmente sa vigilance, sa conscience et sa capacité à résister. Tout cela rend l’âme plus prudente face au danger en plus de l’encourager à faire le bien. Une telle épreuve transforme les guerriers en vétérans, en martyrs et en saints et distingue les croyants des incroyants. Pourtant Satan n’a aucune part dans la récompense de ceux qui atteignent la vertu en luttant contre lui, car son intention est d’égarer et de corrompre les gens par dépit et rancœur. Il est puni éternellement pour sa mauvaise intention et ses actions abominables :
Dieu dit : « Qu’est-ce qui t’empêche de te prosterner quand je te l’ai commandé ? »
Satan répondit : « Je suis meilleur que lui : tu m’as créé de feu, alors que tu l’as créé d’argile. »
Dieu dit : « Descends d’ici, tu n’as pas à t’enfler d’orgueil ici. Sors, te voilà parmi les méprises. »
« Accorde-moi un délai, dit Satan, jusqu’au jour où ils seront ressuscités. »
Dieu dit : « Tu es de ceux à qui un délai est accordé. »
« Puisque tu m’as mis en erreur, dit Satan, je me posterai sur ton droit chemin à guetter les humains. » (7 : 12-16)
Après sa désobéissance jalouse et arrogante, Satan a sciemment choisi la voie de la rébellion et de l’incroyance. Son serment d’égarer les hommes est le commencement de notre interminable tragédie.
En somme, l’intention est presque tout pour les croyants, car elle peut élever nos actes les plus ordinaires et produire des fruits en abondance. Sa qualité et son contenu ouvrent la porte de la félicité éternelle, ou bien celle de la punition et de la misère éternelles. Comme on dit : « Les actions ne valent que par les intentions et chacun n’aura pour lui que ce qu’il a eu réellement l’intention de faire. » [2]
[1] Majma’ az-Zawaid, 1 : 69 et 1 : 109.
[2] Boukhari, Bab al-Wahy, 1 ; Mouslim, Imara, 155 ; Abou Dawoud, Talaq, 11.